Pour sa toute première création, Anne Schwaller invite le public du Théâtre de Carouge à découvrir Léonce et Léna de Georg Büchner, écrit lors de son exil à Zurich. Une comédie aussi satirique que romantique qui met en présence deux amoureux pris dans les vertiges de la passion.

Dans sa chambre où règnent solitude et ennui, Léonce, prince héritier du royaume de Popo, vit reclus comme s’il évoluait « dans un paysage sous surveillance ». Il s’est fabriqué un compagnon, une marionnette, avec lequel il dialogue sans relâche. Un autre soi-même capable de créer une brèche dans les murs de sa prison dorée et qui lui permettra de s’enfuir pour refuser un mariage arrangé.

C’est à ce moment-là, dans ce quasi-rêve, qu’il rencontre son âme sœur, Léna, princesse en fuite, comme lui promise à une noce qu’elle désavoue. Et qui vit chaque instant de sa quête de liberté avec intensité pour mieux échapper aux carcans qu’on lui impose. Jusqu’au brusque retour à la réalité.

Anne Schwaller alors de se poser cette question : « Et si Einstein avait raison, si le temps et l’espace étaient élastiques ?... » Parce que c’est peut-être le temps qui est le véritable maître du jeu de la pièce. Celui qui, teintant cette comédie d’une douce tristesse, glisse comme le sable dont Léonce veut compter les grains.

Avec Fantasio, composé deux ans auparavant par Alfred de Musset, Léonce et Léna partage la même écriture vive et précise, le même penchant pour l’insouciance, la même légèreté trahissant une immense solitude et le même désir de parler enfin de son époque avec le génie de la jeunesse.

Aujourd’hui, c’est au tour d’Anne Schwaller de s’emparer de cette œuvre et de faire entendre l’histoire, intime, de sa génération. Une génération « en quête de repères et de plaisirs nouveaux mais dépourvue de rites et d’initiation. Une génération qui doit se prouver qu’elle existe ».

C’est donc la déshumanisation lancinante de nos sociétés contemporaines que la comédienne et metteure en scène issue de la Manufacture, Haute école de théâtre de Suisse romande, a décidé de monter. Se rappelant peut-être le combat que le dramaturge et révolutionnaire allemand s’apprête à livrer l’année suivante dans Woyzeck et le mot de son contemporain, Karl Marx : « L’ancien régime moderne n’est plus que la comédie d’un ordre universel dont les véritables héros sont déjà morts. »

Et pour parvenir à ses fins, Anne Schwaller a trouvé ici deux armes redoutables : le fabuleux pouvoir de l’imagination et les ressources insoupçonnées de l’amour.

Coproduction Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, Théâtre des Osses Centre dramatique fribourgeois