C'est certainement avec le même enthousiasme provoqué par Mille francs de récompense que le public du Théâtre de Carouge retrouvera l'univers singulier de Laurent Pelly. Il revient salle François-Simon avec une pièce issue du Théâtre en liberté, plus fantastique que réaliste cette fois, toujours écrite par un Victor Hugo en exil...

L'île de Man. Sur ce rocher au milieu de la mer, le roi et sa suite poursuivent Lord Slada qui s'est enfui avec Lady Janet, dont le roi est amoureux. Les " tourtereaux rebelles " ont trouvé refuge dans un cloître, au fond d'une forêt.

Là vivent deux proscrits, la sorcière Zineb qui vient d'avoir cent ans et le voleur Aïrolo. Depuis trois jours, les amoureux se cachent. Ils ne mangent rien, ne boivent rien car dans ce cloître, la végétation est vénéneuse, les rivières sont poison... C'est au coeur de cette nature mystérieuse et puissante qu'Aïrolo rencontre les amants - " couple frais et céleste " - et, séduit, décide de les aider...

Comme Mille francs de récompense, que Victor Hugo écrit pendant son exil à Guernesey, Mangeront-ils ? fait partie du Théâtre en liberté. Un recueil de pièces de genres très différents dans lequel Hugo inaugure une écriture nouvelle, s'éloigne du romantisme et, plus encore, de ses méthodes dramaturgiques.

Dans cette comédie en vers débridée, insensée, deux motifs, par exemple, prennent ce tour inédit : celui de la nourriture, " extraordinaire métaphore du concret symbolique de la diète imposée par le pouvoir tyrannique ", et celui de la barque, marque quasi mythologique " de l'évasion dans l'utopie ". Car sous l'histoire rocambolesque, tandis que les vers se battent les flancs, le grand Hugo-qui-rit parle de justice et de vérité et traite, comme toujours et souvent, de la puissance des faibles.

Il ne reste plus qu'à suivre le poète dans ses audaces et sa liberté, dans la violence et le danger, le burlesque, la fable et la fantaisie, et à " accrocher un rêve à l'astre qui nous luit, clou de la panoplie immense de la nuit ".

Il ne reste plus qu'à se laisser emporter et à servir Hugo au plus près de Hugo : en le débarrassant de tout artifice, en se glissant au coeur de sa pensée aussi symbolique, visuelle, prophétique que politique. Celle qui lui faisait dire : " Moi j'admire, ébloui, la grandeur des petits. "

 

Production Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées Coproduction Théâtre de Carouge-Atelier de Genève

Les représentations de ce spectacle bénéficient du soutien de Genève Aéroport